Souvenirs d'un futur

Bonjour Gaby
Te souviens tu de moi ? Aurore, en primaire. Le temps a bien passé depuis que tu es partie.
On avait 10 ans. On s’était jurées d’être meilleures amies toute la vie, et même au delà. Mais au mois de mai, la nouvelle était tombée. Tu partirais au Etats Unis.
On avait préparé ton départ. Je t’avais écoutée rêver de grandes villes et de shopping. J’avais rêvé avec toi. Je ne comprenais pas que tu partirais loin de moi…
Le jour du départ, c’était en août, je t’avais accompagnée jusqu’au port. Et j’étais restée à te faire coucou bien après que tu ne puisses plus me voir. Je ne réalisais pas vraiment que je ne te verrais jamais plus.
Mais c’est le lendemain, quand je suis passée devant ta maison désormais en vente, que je m’en suis rendue compte. Ne plus jamais te voir ! J’ai pensé mourir. Mais tu vois, je suis encore là.
Nous nous étions promise de nous écrire tout le temps. Mais après quelques lettres sans grande importance, le rythme s’est espacé pour définitivement s’arrêter après la noël. Mais tout ça, tu dois bien le savoir.
J’ai 21 ans, maintenant. Tu dois bien avoir la même chose. J’ai continué l’école, et ai même sauté une année. Si bien que j’ai maintenant un diplôme d’institutrice primaire. Mais je n’ai pas trouvé de travail. A peine un remplacement de 3 semaines.
Et ma santé est assez défectueuse. J’ai de grosses difficultés à supporter un horaire plein, et ai mis une semaine entière à me remettre de ce remplacement.
C’est là, allongée sur mon lit, dans un état d’épuisement total, que je me suis souvenue de toi. J’ai eu envie de renouer le contact.
J’attends avec impatience ta réponse.
Ton amie,
Aurore.

Bonjour Gaby
J’ai été ravie d’avoir eu de tes nouvelles. J’espère que tout s’est bien passé pour toi.
Ici, c’est la veille de noël. Je le passerais avec ma famille, comme chaque année. J’ai préparé des cadeaux pour tout le monde, comme on fait chez nous. Mais je n’arrive pas à retrouver l’esprit de noël dont j’avais l’habitude.
Il faut dire qu’il y a une semaine, on m’a annoncé une nouvelle assez grave. Tu sais que ne me sentais pas bien depuis quelques temps, et bien j’ai été faire des examens médicaux.
La nouvelle a été difficile à avaler. J’ai une maladie très grave. Tu la connais peut être : la leucémie, que ça s’appelle. Et la mienne est à un stade si évolué que si l’on ne fait rien, il ne me resterait plus que quelques mois à vivre, un an tout au plus.
Mais pourquoi est ce sur moi que ça tombe ? Qu’ai-je donc fait de mal pour que mes globules rouges soient différents des autres ?
Je vais être opérée. Il y a 70% de chance qu’il y ait un changement positif après cette opération. J’espère ne pas faire partie des 30 autres pour cents.
Je t’embrasse, et te souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année,
Aurore

Lettre écrite de l'hopital saint Pierre, à Bruxelles.

Ma très chère Gaby,
Tes encouragements m’ont fait très plaisir. Je te remets mes meilleurs vœux pour cette année que j’espère voir entière.
Ça y est, l’opération est finie. J’ai une tête de déterré, mais ce n’est guère le plus important. L’hôpital me soumet à un régime très strict, moi qui aimais tant manger. Mais je n’ai plus envie de rien. Ma bouche est pâteuse, et je ne sais plus faire d’effort physique. On me défend même de lire trop longtemps.
Aujourd’hui, je me suis faite réveiller par la pluie qui frappait les carreaux. Comme si même le ciel était triste… ça n’a fait que rajouter à ma déprime…
Mas yeux se ferment, ce doit être le somnifère.
Je te réécris dès que possible
Aurore

Lettre écrite du domicile d'Aurore

Bonjour Gaby
Hier, j’ai reçu le courrier de l’hôpital. Après plusieurs pages plus incompréhensibles les unes que les autres, un mot du médecin expliquait, et s’excusait, que l’opération n’avait pas été un succès.
Autant dire que c’est un fiasco total. Moi qui en espérais une vie…
Il n’y a maintenant plus rien à faire. Je mourrais dans quelques mois. Tout le monde meurt bien un jour, mais je ne pensais pas que le jour viendrait si vite
J’envie les gens pouvant vivre sans penser à la mort. Je ne sais me détacher de cette idée. Peut être est ce la dernière fois que je t’écris… A quoi sert il de faire des projets, quand on peut mourir demain. Je n’ose plus rien faire…
Ce doit être encore plus horrible de savoir sa date de mort. En tout cas, je me préfère encore comme ça. Qu’en penses tu ?
J’ai peur, affreusement peur.
Je t’embrasse et te souhaite une vie plus longue que la mienne
Aurore

Bonjour Gaby
Il y a encore quelques semaines, je me risquais encore à aller promener le chien du voisin. Maintenant, même l’idée de sortir me fait peur. Je mets 10 minutes à reprendre mon souffle après avoir monté l’escalier.
Le médecin m’a expliqué que ma maladie ne se transmettrait que par le sang. La faute en revenait donc soit à l’un des mes parents, soit à une transfusion de sang non sécurisée… Mes parents n’ont jamais souffert de cette saloperie.
Peut être est ce le jour où je me suis faite faucher par une voiture, au milieu de nulle part ? La voiture, occupée par un docteur et sa famille, roulait trop vite. Moi, connaissant cette route où il ne passe qu’une voiture toute les 2 heures, je n’avais pas regardé…
Après un beau vol plané, j’étais retombée un peu durement sur l’asphalte. Je voyais qu’il s’affolait alors que je perdais peu à peu conscience.
On m’a raconté qu’il avait du me donner de son sang avant de me transporter à l’hôpital. Peut-être était ce ça ? Mais je ne parviens pas à lui en vouloir, car s’il ne l’avait fait, je serais morte depuis longtemps…
Je t’embrasse pour toutes les années que je ne vivrais pas
Aurore.

Lettre écrite de l'hopital saint Pierre

Ma très chère Gaby,
Ta lettre m’est arrivée hier, après avoir bien tourné. Je te prie de m’écrire dès maintenant à :


Je suis allongée sur un lit d’hôpital. La pluie heurte les carreaux, comme d’habitude. Mais ne sommes nous pas en Belgique ?
Depuis seulement une semaine que j’y suis, j’en ai déjà marre. L’infirmière est venue chez moi pour sa visite quotidienne, mais jugeant que mon état se détériorait trop, elle m’a fait entrer à l’hôpital. Ce jour là aussi, il pleuvait.
Elle a appelé l’ambulance pour venir me chercher. Je suis arrivée à l’hôpital sous bonbonnes d’oxygène, car j’avais du mal à respirer. Tu m’aurais vu… Il parait que j’étais toute bleue.
Je suis passée par de nombreux services, et me suis finalement arrêtée aux soins palliatifs.
Ce que je peux détester ce mot. Il symbolise pour moi la fin, le renoncement à l’espoir. Comment espérer survivre encore lorsqu’on s’y trouve ?
Ça sent la mort dans tout le service. Je suis entourée de personnes agées. Et ça ne fait que me rappeler à tout moment la raison de ma présence ici.
Je t’embrasse, peut-être pour la dernière fois.
Aurore

Bonsoir gaby
Je tiens à te remercier pour tout ce que tu as pu apporter à ma vie, pour ces moments de joie, d’espoir, de rêve.
Je pense ne pouvoir te dire au revoir
Aurore