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 La littérature actuelle à l'épreuve de ses prédécesseurs

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AuteurMessage
Lau/Zegatt
Modérateur
Lau/Zegatt


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La littérature actuelle à l'épreuve de ses prédécesseurs Empty
MessageSujet: La littérature actuelle à l'épreuve de ses prédécesseurs   La littérature actuelle à l'épreuve de ses prédécesseurs Icon_minitimeMer 11 Avr - 5:36

Le texte qui suit est une critique, parfois assassine, qui n'engage que ma propre opinion. Libre à vous, donc, de considérer que je n'ai aucun goût ; l'Art, et la Littérature en particulier, sont bien subjectifs comme on le sait.
En tout cas, que les "contestataires" (ou ceux qui auront aimé cet article) n'hésitent pas à me répondre indirectement, par l'intermédiaire de la section DISCUSSION du forum et à faire part de leurs critiques. Merci.








« Si quelque chose termine la création, ce n’est pas le cri victorieux et illusoire de l’artiste aveuglé : “j’ai tout dit”, mais la mort du créateur qui ferme son expérience et le livre de son génie. »
- Albert Camus, Le mythe de Sisyphe -


« Le roman à thèse, l’œuvre qui prouve, la plus haïssable de toutes, est celle qui le plus souvent s’inspire d’une pensée satisfaite. La vérité qu’on croit détenir, on la démontre. »
- Albert Camus, Le mythe de Sisyphe -




La littérature contemporaine française à l’épreuve de ses prédécesseurs



Ca y est ! Eric-Emmanuel Schmitt (EES pour les intimes) est entré dans le panthéon des classiques et c’est ainsi que l’on retrouve son Le visiteur au détour d’une classe préparatoire littéraire, rien que ça. Et avec Florian Zeller couronné du prix Interallié pour La fascination du pire, Frédéric Beigbeder reconnu comme critique ou encore Amélie Nothomb superstar des ventes en librairie, qu’en est-il seulement de ces auteurs d’aujourd’hui ?


Il paraît que le courant moderne est à la naïveté. Cela, il n’en est aucun doute. Reste à espérer qu’il s’agisse bien d’un courant et non d’un simple engouement voué à s’éclipser aussi rapidement que sa qualité moyenne le mériterait. Sur son dernier album, Rouge Sang, Renaud chante « Les Bobos », ces fameux bourgeois bohêmes que EES semble apprécier plus que de raison dans son dernier livre, Odette Toulemonde et autres histoires, véritable ode à l’inconsistance de ceux-ci ainsi qu’à la niaiserie de la ménagère moyenne. Joie dans les cœurs ; en premier lieu, il s’agit de décomplexer cette première classe mal à l’aise avec l’argent et le monde en leur assénant, à grands renforts de répétitions et de stéréotypes, que « certes, [on] se trouvait bien égoïste alors que tant de gens succombaient, mais comment agir autrement ». Auto-psychanalyse ? Tout juste ! et qui ne s’arrête pas là d’ailleurs, EES pousse le vice plus loin en évoquant le livre de son double imaginaire, un ouvrage où « tout y est consternant, l’histoire, les personnages, le style… Se montrer aussi mauvais avec constance, mauvais avec égalité, ça devient même une performance, c’est presque du génie » ou encore, dans un élan d’égocentrisme démesuré, considérant que le talent repose dans la capacité à plaire au plus grand nombre.
Diantre ! Que reste-t-il à dire aux critiques, si le travail est fait par avance par l’auteur lui-même ? Toujours du côté « bobo », Schmitt flatte la compassion de ceux-ci, cette sorte de pitié héritée du monde chrétien (celle-là même que s’évertue à dénoncer Nietzsche dans Aurore notamment) qui veut que le donateur soit supérieur et que le receveur, de son côté, voue une vénération niaise et sans limite à son bienfaiteur, même lorsque le don originel a été poussé par des intérêts premiers purement narcissiques. Il les félicite encore de leur participation monétaire dans des ONG dont ils n’ont que faire, si ce n’est pour satisfaire leur ego et préserver leur image (une sorte de socialisme conservateur et bourgeois comme le dénonce Marx, cette « partie de la bourgeoisie [cherchant] à porter remède aux anomalies sociales pour consolider la société bourgeoise » - Manifeste du parti communiste). Mais quels pauvres bourgeois, lorsque l’on remonte à leurs tristes et pathétiques traumatismes de jeunesse, tout cela dans une atmosphère gnan-gnan des plus fades. Les violons résonnent, les larmes coulent puis laissent place au bonheur façon bisounours avec son goût de bonbon édulcoré.
Et les ménagères alors ? Pas laissées en reste elles non plus, EES, qui leur facilite déjà la tâche dans un exercice de rédaction plus que simpliste (dans le but, sans doute, de l’adapter à leur QI faible supposé), ne manque pas non plus de les flatter, les entraînant dans une sorte de complaisance de leur prétendue sous-culture, une fascination improductive de leur quotidien. Le pari de fasciner le lecteur lambda au sujet de son train-train quotidien aurait pu fonctionner, hélas, ce qui marche avec Le fabuleux destin d’Amélie Poulain n’est pas aussi aisé avec une plume dans les mains.
Retrouvant une « écriture de l’adolescence », comme dit dans la postface, d’une clandestinité hypothétique, c’est plutôt une écriture adolescente par sa mièvrerie qu’Eric-Emmanuel Schmitt sert à son lecteur. L’eau de rose giclée à tout va sur l’ouvrage empestant, la conception caricaturale de l’humanité martelée à chaque page, il reste l’interrogation d’EES, surpris « que sa niaiserie provoque la gentillesse » de ses lecteurs.
Et si EES rattrape légèrement la fadaise de ses romans dans son théâtre, ce dernier est bien loin de rivaliser avec Anouilh, Sartre ou Giraudoux. Dans Le visiteur, sorte de K-Pax théâtral où l’extraterrestre serait devenu Dieu et où le psychiatre n’est autre que Freud, il ne justifie en rien la grandeur de ses choix, s’enfermant dans un échange de dialogue bien peu surprenant, monotone, et dont le souvenir s’efface très vite.


Mais alors, que justifie un si mauvais niveau rédactionnel ? Allons ! Il faut bien rivaliser avec ses concurrents, Florian Zeller en tête. Bouche en cœur, cheveux blonds en bataille, monsieur est « écrivain », « auteur ». Il roule des mécaniques avec son prix interallié décroché donc pour La fascination du pire, texte qui porte bien son nom ; il est en effet fascinant de voir à quel point ce qui se fait de pire peut fasciner son lecteur. Empli de stéréotypes, Zeller part avec ses gros bagages, le vent en poupe, direction l’Egypte.
Dans une sorte de réflexion vide de sens sur la censure et la façon de choquer, il nous fait part de sa lecture (la seule semble-t-il) de Flaubert et ses Carnets d’Orient, visitant les lupanars du Caire peu après avoir dressé la caricature du métier d’écrivain, à la recherche d’une fille facile rabaissée comme ses pairs dans son rôle éternel de l’arabe de service. Lui aussi, comme EES, du haut de sa vingtaine d’années, se livre à un jeu de prêt-à-penser réducteur et fade. Le livre (on ne saurait le qualifier d’œuvre) se referme avec un goût amer et déplaisant en bouche, celui de l’inconsistance et de l’auto-satisfaction exacerbée. Mais après avoir été professeur de littérature à Sciences Po (le niveau se perd décidément !) le monsieur est désormais un « artiste », ne l’oublions pas. Il risquerait de se vexer sinon…


Vient ensuite Marc Levy, nouvelle égérie des adolescentes, dans la lignée d’un EES, qui réussit un tour de passe-passe ; en à peine trois ou quatre romans, l’élève surpasse le maître, redonnant au rose omniprésent une touche un peu plus flashy, un peu plus « djeune » : Et si c’était vrai… nous conte avec une candeur adolescente et un attroupement conséquent de phrases simples (pour ne pas se fatiguer les yeux et la tête, le docteur à déconseillé Proust ces derniers temps) les amourettes en provenance directe de chez Arlequin (le sexe en moins) entre un homme et une fantôme comateuse. C’est tout mignon, tout beau, il ne manque que les gazouillements des oiseaux pour parachever l’ensemble. Pour ce qui est des personnages secondaires inutiles sur lesquels l’auteur s’attarde 30 pages, nous lui en ferons grâce, il est déjà assez accablé comme cela.


Dans une lignée scénaristique parfois similaire, Didier Van Cauwelaert entre sur le ring. Plus poétique mais tout aussi naïf, le cachet passe mieux mais a la fâcheuse tendance de relancer les douleurs d’estomac sur la fin, lorsque l’écriture devient hâtive, parant au plus pressé, ce qui ne l’empêche pas de décrocher un Goncourt avec Un aller simple. Il faut toutefois lui reconnaître de bonnes idées, en particulier pour L’apparition, un de ses textes qui pourra pousser le lecteur à en découvrir plus, parfois de façon chanceuse, parfois à regret. Au final, une sorte de quitte ou double en demi-teinte.


Heureusement, la littérature peut aussi être rebelle, provocante et provocatrice, comme chez Beigbeder qui ose, dans son œuvre Windows on the world, un trait de génie périlleux : changer tous les verbes en –er pour des verbes en –é, une modification orthographique qui vaut son pesant d’or, révélant une véritable « rebelle attitude » sincère. Le lecteur se permettra d’en « douté ». Mais il est, comme on le sait, souvent mauvaise langue.


Anna Gavalda débarque ensuite, grande dialoguiste et mauvaise narratrice ; Ensemble, c’est tout offre au lecteur un tableau de personnages agréables et touchants, un peu plus ambigus que chez ses compagnons de plume. Si la narration n’est pas toujours bonne, les échanges de parole ont au moins l’avantage de sonner juste. Hélas, le pavé qu’est Ensemble, c’est tout en est bien la seule exception, car entre le capharnaüm généralisé de Je l’aimais qui s’ouvre sur un dialogue à trois alors que le lecteur ne s’en rend compte qu’après cinq pages et le côté insipide de J’aimerais que quelqu’un m’attende quelque part où les nouvelles s’ensuivent sans passionner le lecteur, on ne peut pas considérer les autres livres d’Anna Gavalda comme des réussites, bien au contraire.


Enfin, Amélie Nothomb, sorte de Mary Higgins Clark du roman français, réussit chaque année à pondre sur demande un livre où elle nous raconte inlassablement sa vie, à la première ou à la troisième personne du singulier, avec plus ou moins de brio, souvent avec une platitude relative (Stupeur et tremblements – platitude que l’on retrouve conservée dans le film éponyme) ou un élan fantastique et passionnant qui s’écroule bien vite passé la moitié de l’ouvrage au grand damne du lecteur emporté par la jouissance des premières pages (Hygiène de l‘assassin). Sans être à révoquer d’office, Nothomb laisse méditatif face à une production industrielle annuelle et, paradoxalement, une ouverture d’esprit tout à son honneur (puisque, pour mémoire, celle-ci se prête au jeu de répondre à l’intégralité de son courrier des lecteurs).


Il ne s’agit pas de généraliser, mais dans sa globalité, la littérature française grand public (entendez par là celle qui se vend à foison) vit des heures sombres. Et par extension, c’est son public qui, lui aussi, en se complaisant tel quel, enfermé dans une littérature de bras cassés et de petits riens qui a pris la place de celle de la pensée et des grandes actes, finit par nager dans une débilité imposée devenue acte sado-masochiste volontariste de sous-culture.
Face à des mini-ouvrages dépassant rarement les 200 pages en livre de poche, le constat est clair ; dans un monde pressé, l’heure en est aux textes express, faisant l’économie des phrases, l’économie de la description. Il s’agit de lire vite, voire de ne plus lire du tout (Comment parler des livres que l’on a pas lu ? de Pierre Bayard, texte négationniste de la lecture mais aussi du créateur-critique : la critique y est élevé au rang d’art, mais l’art serait trop idiot pour se critiquer, encore une théorie contemporaine scabreuse).
Côté histoire, adieu le dépassement de soi, la concurrence de l’Homme face au monde, voici venue l’ère de la satisfaction par le quotidien, par l’argent ; l’ère du matériel dépassant le spirituel (« on veut gagner de l’argent pour vivre heureux et tout l’effort et le meilleur d’une vie se concentrent pour le gain de cet argent. Le bonheur est oublié, le moyen pris pour la fin. » comme le dit Albert Camus dans Le mythe de Sisyphe). La naïveté se fait l’écho moderne de l’idéalisme passé, la faiblesse prônée en place de la résistance. La réflexion rejetée au profit de la fadaise.
Quel remède alors ? Outre se réfugier chez les valeurs sûres d’hier ou chercher les réfugiés d’aujourd’hui (Hélène Grimaud – Variations sauvages –, ou Michel Onfray – Politique du rebelle – mais aussi les anciens survivants ; Joseph Joffo – Un sac de billes – ou Claude Levy-Strauss – Tristes tropiques –), une seule solution, fuir à l’étranger, chez Amos Oz (Ailleurs peut-être, Une histoire d’amour et de ténèbres, La troisième sphère entre autres), Philip Pullman (sa trilogie Les royaumes du nord) ou Lois Lowry (Le passeur), ces deux derniers s’adressant d’ailleurs plutôt aux adolescents.
Quant à vous, messieurs qui vous prétendez les classiques de demain, plutôt que de vous satisfaire de votre notoriété et de votre talent auto-proclamé en circuit fermé, relisez donc les classiques, les vrais, à commencer par ces grands auteurs français pas si lointains que sont Albert Camus et André Malraux !


L. T. (10/04/07)
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http://zegatt.wordpress.com/
 
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