Les petits écrivains
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 Le Trésor des Larmes

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Resha
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Resha


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MessageSujet: Le Trésor des Larmes   Le Trésor des Larmes Icon_minitimeMer 9 Mai - 4:37

Prologue


Du bruit, beaucoup de bruit… Bruits de pas, bruits métalliques, bruits étouffés, bruits vifs, bruits grinçants… Il y en avait de toutes sortes, et tous signifiaient la même chose. Des cris, des injonctions, deux ou trois jurons, puis le calme se rétablit, redonnant aux ténèbres le silence qu’ils méritaient. Et alors que tout semblait perdu, une lueur dissipa les ombres opaques. Puis une autre, et ainsi de suite. Il y en avait neuf. Une voix s’éleva, résignée, triste, et pourtant on y décelait une pointe d’ironie. Quelques mots prononcés avant que la mort ne reprenne ses droits.

Dans la grande plaine de Syrsha, la plaine Rouge comme l’appelaient les habitants d’Ayasu, le vent zigzaguait entre les brins d’herbe pourpre, écoutant leurs histoires et les portant par delà les océans insondables et les montagnes dont le sommet blanc se perdait parmi les étoiles. C’est dans ce lieu frappé par la malédiction que naquit la prophétie. Elle annonçait le retour des temps anciens, son retour, et avec l’arrivée de la plus ténébreuse des âmes, dont la simple évocation déclenchait de violentes crises d’angoisse chez le plus maudit des démons.
Ce jour prophétique, des nuages noirs se rassemblèrent dans la plaine et se mirent à pleurer. Les rares villages qui avaient vu le jour dans le coin – ils étaient au nombre de trois – se retrouvèrent inondés par l’eau rouge. Puis tout cessa, les nuages s’effilochèrent dans le vent, l’eau s’infiltra au plus profond de la terre et les hommes purent à nouveau sortir et lever la tête vers le ciel, presque surpris de retrouver le disque d’or briller au dessus de leur tête.
A plusieurs centaines de kilomètres de là, peut être même à quelques milliers, par delà ce fameux océan, dans une ville au bord de l’eau, au sommet d’une grande tour blanche au dôme doré, dans une pièce complètement vide excepté une petite table sur laquelle reposait une plume recouverte d’un voile, un homme était penché à la fenêtre et accueillait les nouvelles portées par le vent d’un petit sourire triste. Il reporta son attention sur ce qui se passait à l’intérieur de la pièce. La plume flottait au dessus de la table, dégageant un faible halo de lumière. Avec son drap blanc pour la recouvrir, elle ressemblait à un fantôme. Mais après tout, qu’était elle à part une manifestation d’évènements passés qui allaient se reproduire. Elle s’enflamma alors. L’homme la regarda brûler durant des heures, sans esquisser un geste pour l’éteindre. Dans la quasi-pénombre, la lueur des flammes faisait naître des ombres monstrueuses sur son visage. A la fin il ne restait même pas les cendres pour témoigner de son existence.
Dans un autre lieu encore, à l’ouest de la ville à la tour blanche, un homme tout vêtu de noir parvint au sommet d’Eterya, la montagne à l’origine du continent de Kishia selon la légende, le voisin d’Ayasu. Nul encore n’avait eu l’honneur d’atteindre le point culminant de cette terre, là où il suffisait de tendre la main pour cueillir les astres. Tous mourraient avant d’avoir achevé l’ascension, certains de froid, d’autres de fatigue, bien souvent des deux. Mais cet homme en noir avait réussi. Il chassa les morceaux de glace collés dans ses cheveux noirs et décoiffés par les fortes bourrasques, en vain car d’autres se formaient sur le champ. Ses yeux sombres étaient fixés sur un point bien précis à l’horizon, direction sud est, en plein sur la première ville maritime fortifiée d’Ayasu, Lowenshi. Il fronça les sourcils, ses lèvres se tordirent en une grimace, donnant une expression effrayante à son visage. « Beauté » était une caractéristique bien faible pour le définir, de même que l’adjectif « dangereux ». Il plaça les mains dans ses poches et se balança d’avant en arrière, une lueur folle dansant au fond de ses prunelles insondables. Enfin il entama la descente d’Eterya par son autre versant, bientôt englouti par le blizzard.
Un peu avant, sur Ayasu, au nord de la plaine de Syrsha, une louve noire et un tigre déposèrent leur petit sur le palier d’une jolie maisonnette en briques, au toit de chaume et aux volets en bois aussi rouge que l’herbe du jardin. Ils disparurent ensuite, comme s’ils n’étaient que les figurants d’un rêve. Et ce rêve avait commencé quelques heures avant la pluie, bien longtemps avant la disparition de la plume et de l’exploit de l’homme en noir. Lorsque Luna Asher donna naissance à deux enfants adorables comme le jour, aussi beaux que la neige sous la lumière du soleil : un garçon aux cheveux argentés et une fille à la chevelure ou se mêlaient l’or et le feu. La sage femme lava les petits êtres fragiles puis les enveloppa dans un linge propre, avant de les confier à la mère. Celle-ci cala chaque enfant au creux d’un de ses bras, la fille sur le gauche, le garçon sur le droit. Puis la sage femme, qui se nommait Nolyu et qui allait devenir la nourrice des jumeaux par la suite, lui montra la découverte qu’elle venait de faire, en d’autres termes les bébés loup et tigre. La mère sourit, les cernes sous ses yeux semblèrent s’estomper. Elle décida de les garder, persuadée qu’ils avaient été envoyés par un des Esprits pour protéger ses enfants. Elle n’était pas si loin de la vérité. Mais ce qui allait se passer, nul n’aurait pu le prédire.
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Resha
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MessageSujet: Re: Le Trésor des Larmes   Le Trésor des Larmes Icon_minitimeMer 9 Mai - 4:38

Chapitre un : le feu, l’or et l’argent



La lumière du soleil inonda la pièce située à l’est de la petite chaumière aux volets rouges, éclairant deux lits jumeaux où reposaient deux formes profondément endormies. Des mèches rouges et or dépassaient de sous la première couette. Si on s’amusait à remonter jusqu’à la source de ces longs cheveux, on trouvait en dessous une jeune fille au visage doux et délicat, les lèvres rouges et la peau presque trop pâle. Ses yeux étaient clos, mais ouvert on ne pouvait qu’admirer leur couleur se rapprochant de celle d’un saphir, encadrés par de fins et longs cils noirs et surmontés de sourcils de la même couleur que ses cheveux. Une adorable créature en apparence, mais dotée d’un fort caractère. C’était l’une des choses qu’elle avait en commun avec son frère, la forme affalée sur le matelas à côté. Ses cheveux étaient de couleur argentée toujours dressés en pic sur sa tête malgré tous les efforts de Nolyu pour les aplatir depuis sa plus tendre jeunesse. Maintenant que le jeune homme allait sur ses 17 ans, elle avait laissé tomber, se faisant à la dure réalité qu’il ne serait jamais coiffé correctement même à son propre mariage. Au niveau du visage, le garçon était la version masculine de sa sœur, les mêmes yeux, le même nez, la même bouche aux lèvres moins foncés tout de même, mêmes sourcils quoi qu’argentés. En fait, s’il n’y avait pas eu la couleur de leur chevelure, on les aurait aisément confondu petits. Ils avaient toujours fait la même taille, portés les mêmes vêtements qui consistaient en un pantalon et une chemise la plupart du temps, avaient les mêmes goûts et la même attitude. Et tous deux avaient un mal fou à se réveiller le matin.
Depuis l’encadrement de la porte de la chambre, Luna les regardait en souriant. Elle n’était plus toute jeune désormais, quelques mèches grises s’échappaient de sa coiffure en chignon. Encore un an ou deux et elle serait comme Nolyu, une vieille femme selon ses critères. Pourtant elle gardait la forme grâce aux travaux dans les champs et avec les bêtes. A côté de la maison, elle et son mari avaient bâti une étable vingt années auparavant ainsi qu’une remise ou ils y rangeaient leurs différents outils. Ils possédaient un champ derrière la maison dont ils pouvaient toujours vendre la récolte et un potager dans le jardin pour leurs propres besoins. Son mari était mort depuis longtemps maintenant, mais il lui restait les enfants et sa meilleure amie qui l’avait aidée à les élever. La maison en elle-même n’était pas très grande : elle disposait de trois chambres, une pour Luna, une pour les enfants et une pour Nolyu, une cuisine qui faisait également office de salle à manger et une salle pour le débarbouillage quotidien. Ils allaient chercher l’eau au puit près du potager. La journée commençait habituellement très tôt le matin, le temps de nourrir les cinq poules, traire les deux vaches et les bichonner un peu, sortir le cheval de traie qui avait déjà vu passer quelques printemps. Ensuite la petite famille passait la journée au champ durant les saisons, à semer, moissonner… Le midi ils pique niquaient sur le vieux tronc d’arbre près de la clôture et saluaient tous les villageois qui passaient par là. La maison de Luna était située juste à l’entrée du village, on ne pouvait pas la louper. Après suivaient d’autres habitations de la même taille environ, puis au centre du village la place et sa fontaine, entourée des quelques échoppes : il y avait le boucher charcutier poissonnier, le magasin de bric à brac, la forge et l’écurie rejoints en un seul commerce, une boutique de vêtements et d’outils agricoles. Takero, tel était le nom de ce petit village tranquille, perdu dans la plaine Rouge, près des collines minières où vivaient les nains.
Mais cette journée là était spéciale pour le village. On était le 1er Fondasu, la date d’anniversaire de la création du continent libre d’Ayasu. Pour l’occasion les différents travaux étaient délaissés et on passait la journée à écouter les vieilles histoires célébrant la fondatrice d’Ayasu et de ses amis les plus proches qui formaient le Conseil, quel que soit le lieu ou l'on se trouvait et la race à laquelle on appartenait avant d'être un Ayasuien. C’est pour cela que Phénix et Silver, les jumeaux, pouvaient s’offrir le luxe d’une grasse matinée qui n’allait pas durer, si Luna se fiait aux bruits qui lui parvenaient de la cuisine. Une ombre se profila derrière la femme, qui s’écarta pour éviter cet ouragan muni d’un seau d’eau. Le liquide étincela un instant, suspendu dans les airs une seconde durant, puis il retomba sur les deux lits, faisant jaillir leurs occupants comme si les ressorts venaient de les repousser violemment. Le premier à réagir fut Silver, dont l’eau glacée ne l’empêchait pas de fulminer.
- Nolyu, vieille chouette ! Qu’est ce qui t’a pris de faire ça ?! J’étais plongé dans un rêve merveilleux, je volais sur un dragon, et paf le raz de marée !
La vieille femme se planta devant lui, les mains sur les hanches, les sourcils froncés. Ses yeux marrons semblaient foudroyer le jeune homme, qui pourtant ne se laissa pas intimider.
Phénix écarta ses cheveux dégoulinants de son visage. La jeune fille ne semblait pas vraiment se préoccuper de son état à ce moment, elle paraissait surtout toujours perdue quelque part entre le monde réel et le monde onirique. Elle leva lentement la main vers sa mère en guise de salut, puis sa tête retomba et ses yeux se refermèrent. Nolyu soupira et leva les mains au ciel.
- Vous êtes des humains ou des marmottes ?! Par la sainte fondatrice, aujourd’hui est le jour le plus important de toute l’année et vous dormez !
- C’est sensé être un jour de repos ! aboya Silver. Ca veut dire paresser pour une fois !
- Et tu louperais tous les récits du jour rien que pour rester dans ton lit !
Au mot « récit », Phénix émergea totalement du sommeil. Ses yeux brillaient d’une envie insatiable d’entendre de nouvelles histoires sur celle qu’elle considérait comme une héroïne dans ce monde… L’intérêt de Silver pour ces vieux témoignages n’en était pas moins grand et cela lui suffit à ravaler la réplique qui lui brûlait les lèvres – pour le moment. Nolyu était sans doute la meilleure conteuse de tout le village, et tous se réunissaient dans le jardin le 1er Fondasu de chaque année pour l’écouter dépeindre les merveilles de l’ancien temps… Seulement la vieille gouvernante refusait de commencer tant que ses deux protégés n’étaient pas assis au premier rang, la tête posée sur leur mains, les jambes croisés et le regard illuminé. D’ailleurs ses auditeurs allaient s’impatienter si les jumeaux ne venaient pas vite au sein du cercle. Nolyu se détourna, son seau vide à la main.
- Vous avez deux minutes pour vous préparer et nous rejoindre au jardin. Tout le monde vous attend déjà.
Les jumeaux ne se le firent pas répéter deux fois. Leurs chemises de nuit et leurs pantalons de toile volèrent jusqu’à l’autre bout de la pièce, et déjà ils avaient enfilé leurs vêtements de la journée, un pantalon bleu et un haut à manches courtes blanc. Ils passèrent dans la salle de bain en jouant des coudes pour être le premier à atteindre la bassine d’eau. Luna suivit Nolyu dans la cuisine en riant.
- Tu leur mènes la vie dure à ces pauvres petits. Après tout ils nous aident vraiment bien tout au long de l’année, il faut bien qu’ils se reposent un jour.
Son amie posa le seau désormais inutile sur la table et prépara quelques tartines à la confiture de fraise pour les deux gourmands. Elle secoua la tête en grommelant
- Pas le 1er Fondasu en tout cas. C’est un jour qu’il nous faut célébrer absolument. Ils devraient être levé dès l’aube !
Elle râlait souvent, mais Luna savait bien qu’elle adorait les deux adolescents comme s’ils étaient ses propres enfants. Un sourire fleurit sur ses lèvres, tandis qu’elle partait au jardin rejoindre les villageois déjà présents. Ils s’étaient installés en demi cercle autour d’un petit siège en bois, que dédaignerait certainement Nolyu pour s’asseoir par terre. Au premier rang il y avait les petits enfants, suivi des un peu plus grands et enfin des adultes, certains derrière la barrière du jardin faute de place. Dans cette petite assemblée on retrouvait trois nains descendus des mines exprès chaque année, un elfe au regard rêveur et aux longs cheveux blonds et perdue dans la foule, une femme oiseau à l’air revêche mais au cœur d’or. Oui, la réputation de Nolyu n’était plus à faire.
Une minute cinquante neuf secondes plus tard, Phénix et Silver étaient assis dans le jardin, entre leurs deux amis Chayla et Tyelo. Tyelo était un grand gaillard aux cheveux bruns mi longs tout aussi indisciplinés que ceux de Silver, à la différence qu’il y avait un espoir de les voir coiffés au moins un jour dans l’année. Ses yeux étaient d’une couleur verte assez étonnante, de la même couleur que les yeux de l’elfe assis non loin en fait. Elle évoquait les jeunes feuilles des arbres à l’approche du printemps, un vert ni trop pâle ni trop foncé. Dans un lieu ou la végétation était rouge, on retrouvait encore un « petit coin de verdure ». Tyelo s’était laissé poussé le bouc, ce qui le vieillissait de cinq ans au minimum, alors qu’il n’en avait que 17. Et depuis un an, il était fiancé à la douce et charmante Chayla, à la droite de Phénix. C’était une jeune fille aux longs cheveux châtains tressés, un visage fin et une peau légèrement halée, des yeux noisette rieurs. Elle portait une bague où brillait une pierre rouge à la main droite, cadeau de Tyelo pour leurs fiançailles, son plus cher trésor.
Les quatre adolescents étaient amis depuis leur enfance. A vrai dire, ils vivaient dans des maisons voisines, ce qui avait facilité leur rapprochement. Par la suite ils ne s’étaient plus quittés, puis Chayla et Tyelo étaient tombés amoureux l’un de l’autre. Jamais une annonce de fiançailles ne déclancha autant de manifestations de joie dans le village. Tous les habitants adoraient les quatre enfants, même si ceux-ci leur en avaient fait voir des belles…
Enfin, alors que tous commençaient à s’impatienter, la porte de la petite maison au toit de chaume s’ouvrit à nouveau, et Nolyu s’avança d’un pas digne. Elle tenait dans sa main un grand bâton taillé dans un arbre blanc qu’on nommait Eshrid, qui ne poussait que dans les endroits les plus froids d’Ayasu. Nul ne savait comment elle se l’était procurée, et elle ne le sortait que pour les grandes occasions. Elle se dirigea vers le petit siège et bois et comme prévu le repoussa pour s’asseoir sur l’herbe rouge fraîchement coupée. Son regard embrassa l’assemblée, elle sourit en voyant Silver, sa sœur et leurs amis devant. De même, elle hocha la tête en apercevant les nains et l’elfe, et agita même la main pour saluer la harpie.
- Nous voici enfin réunis, comme chaque année, pour rappeler aux plus jeunes d’entre nous, mais aussi aux plus anciens qui auraient tendance à avoir la mémoire qui flanche…
Quelques rires fusèrent.
- … En quoi le fait de vivre sur une terre telle que la notre est non seulement un privilège, mais aussi un grand honneur.
Elle hocha gravement la tête. Phénix avait posé ses mains sur ses joues, ses coudes appuyés contre ses genoux, et buvait littéralement ses paroles. Silver s’intéressait plus à ce qui se passait dans le dos de la vieille femme : un tigre magnifique s’avança et vint se coucher au pied de Phénix, suivi d’un loup noir aux yeux argentés qui s’assit aux côtés de Silver. Nolyu laissa les animaux s’installer avant de reprendre, un sourire en coin
- Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je ne parlerais pas de la création d’Ayasu, ni des hauts faits des héros de l’ancien temps. Rappelons quand même qu’il y eut Sasha le vaillant, frère jumeau de notre fondatrice ; Alec, le magicien du Temps et compagnon de la fondatrice ; Ken, un de ses amis les plus chers… On prétend que tous vécurent plus de 200 ans, avant de disparaître mystérieusement…
Phénix ne put retenir une larme. C’était étrange, mais pour chaque personne vivant sur Ayasu, l’évocation de la mort de ceux qui avaient été les premiers à désirer véritablement la paix, et qui leur avaient offert ce lieu magnifique leur faisait toujours verser une larme.
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Resha
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MessageSujet: Re: Le Trésor des Larmes   Le Trésor des Larmes Icon_minitimeVen 11 Mai - 15:18

Chapitre deux: La légende de la Mort

Silver se redressa, les yeux brillants. Si il ne se trompait pas, Nolyu allait enfin leur raconter la pire des histoires qu’eut connue le continent, la Légende de la Mort de la fondatrice. Phénix retint son souffle.
- Bien des ans avaient passé depuis que la fondatrice au nom oublié avait posé le pied sur cette terre et demandée l’autorisation aux Grands Esprits de créer un pays en paix. Avec l’aide de huit de ses amis, elle créa un bouclier indestructible qui entourait Ayasu. Celui-ci avait deux fonctions : il empêchait toute intrusion de gens aux pensées mal intentionnées et au contraire laissait les méritants le traverser et découvrir le lieu de leur nouvelle vie. Ce bouclier était fermé par neuf sceaux, un par créateur. La fondatrice avait pris soin de donner un ordre particulier à ses serrures, ce qui fait que vous pouviez en forcer une, si ce n’était pas dans l’ordre choisi vous mourriez sur le champ. Tel était la sentence pour avoir osé tuer le porteur du sceau, sans aucun doute. Puis les neuf créateurs se rassemblèrent et ensemble créèrent le Conseil d’Ayasu. Leurs noms ont traversé le temps jusqu’à nous, aussi les honorons nous aujourd’hui : il y eut la Fondatrice, mère d’Ayasu ; Sasha, son frère jumeau ; Nokouto, le père des jumeaux, un guerrier farouche ; Ishiksu, la meilleure amie de la fondatrice, une jeune femme au cœur pur ; Ken, ami des jumeaux, le plus savant ; Alec, le magicien du Temps et mari de la fondatrice ; Kyosa, l’elfe vertueuse et le meilleur archer du continent ; Rolac’h, l’homme tigre, le premier à avoir été considéré égal aux hommes, l’espoir d’une reconnaissance pour tout un peuple ; et enfin Ondine, descendante d’une tribu oubliée venant de la mer. Mais de quel mer ? Car ce qui était sûr, c’est que ces gens n’étaient pas de ce monde, ou alors n’avaient pas leur place ici…
Ayasu connut la paix et la prospérité. Très vite des gens de tout peuple et de tout azimut débarquèrent pour se rassembler sous la bannière de personnes sages et justes. Devenu dans un laps de temps très court une grande puissance, le pays entama des négociations pour que la guerre cesse entre Rakuyen et Kishia, avec succès. Tout rentra dans l’ordre, du moins c’est ce qu’il semblait.
Le Conseil n’aspirait qu’au bonheur de son peuple, ainsi quand la grande menace survint, ils préférèrent se sacrifier plutôt que de laisser le monde replonger dans le chaos. Cette menace, c’était un groupe d’hommes. Sortis d’on ne sait ou… Ils se mirent à massacrer tous ceux qui croisaient leur route avec une barbarie monstrueuse et un plaisir honteux. Ainsi disparurent les derniers Ents, ces grands esprits de la forêt. Elfes, démons, nains, harpies, ogres, dopplegangers même, qui sont pourtant de bien terribles créatures, tous succombèrent sous leurs lames et leur magie.
La fondatrice ne laissa pas ces actes horribles se perpétuer sous ses yeux sans réagir. Une nuit de ténèbres, elle prit son épée « Tsuki no Yume », Rêve de la Lune, et la brandit du haut de la Tour Blanche. Alors l’endroit fut baigné d’une douce lumière semblable à celle de la lune, bien que l’astre soit absent du ciel à ce moment. Cette lumière divine attira les hommes des Ténèbres jusqu’à la tour… S’engagea un combat d’une violence sans précédent et d’une beauté sans égal. Les lames se rencontraient dans une pluie d’étincelles, les flèches de l’elfe Kyosa sifflaient dans l’air pour transpercer leurs ennemis, des éclairs s’abattirent sur le sommet de la tour, des heures durant. Pourtant nul ne faiblissait, malgré le sang qui lentement désertait leurs veines et coulaient le long des murs. Il ne restait plus que neuf assaillants, et nos neuf héros, tous colorés de rouge, épuisés, mais toujours debout.
Ce qui se passa par la suite reste un mystère, même pour moi. On raconte que Tsuki no Yume cessa de rayonner tout à coup. Qu’un homme en noir s’avança, l’épée brandie, et transperça celle que nous vénérons tous. Non, elle se sacrifia plus exactement, comme le firent les huit autres créateurs. Un par un, sans regret, leur cœur se transforma en une petite boule de lumière et s’envola. Ainsi disparurent les neuf Sceaux, et le bouclier fut préservé.
Des yeux des habitants d’Ayasu coulèrent des larmes, rouge comme le sang qu’avaient versé nos protecteurs. La plaine de Syrsha – celle là même ou nos ancêtres bâtirent leurs maisons – recueillit chacune de ses larmes et devint rouge, dernier hommage.

Nolyu se tût, la tête baissée. Son auditoire gardait également le silence, en signe de recueillement. Certains pleuraient même. Un nain renifla bruyamment, et se persuada lui-même que le pollen en était la cause. Le loup et le tigre furent les premiers à se relever. Le fauve poussa un long rugissement et le loup hurla, comme s’ils avaient compris que ce qui venait de leur être conté était la pire tragédie qui était survenue sur cette Terre.



Tyelo tapa dans le dos de Silver, l’air réjoui. Son ami, lui, semblait d’humeur un peu plus sombre.
- Allez quoi, c’est pas si terrible !
Chayla sourit, gênée. Le regard de Phénix passait de l’un à l’autre sans comprendre.
- Vous partez à Lazeurè pour vous y installer, et tu oses dire « c’est pas si terrible » ? Tyelo Anst, je crois que tu n’as rien entre les deux oreilles !
S’exclama la jeune fille d’un air terrible. Elle croisa les bras et le fusilla du regard, bientôt imité par Silver. Tyelo passa une main derrière sa nuque et rit nerveusement.
- C’est à trois jours à pieds seulement, deux si vous chevauchez de bons vieux coursiers.
Lazeurè était une grande ville marchande au nord est de Takero, à l’est des collines de Karasom, ou foisonnaient les mines des nains. Un endroit sympathique, où on pouvait trouver des boutiques de joyaux à tous les coins de rue. Et voila que Tyelo venait de faire part à ses amis de son projet de s’installer là bas avec Chayla pour y ouvrir un petit commerce et se marier. Les jumeaux n’en croyaient pas leurs oreilles, outrés qu’ils ne leur en aient pas parlés avant. Le jeune homme avait en effet attendu la veille du départ pour le leur annoncer, comptant sur leur bonne humeur après l’histoire conté par Nolyu. Espoir déçu, puisque cette bonne humeur s’était envolée aussitôt son projet dévoilé.

Tyelo lança un appel d’aide muet à Chayla, qui comprit le message. Elle posa sa main droite sur l’épaule de Silver, la gauche sur celle de Phénix.
- Ecoutez… On a peut être fait une erreur en ne vous en parlant qu’aujourd’hui, mais c’était trop dur pour nous aussi. Seulement on n’a pas le choix. On ne peut pas rester à Takero alors qu’un joaillier accepte de prendre Tyelo comme apprenti. Moi je le suis parce que je l’aime et que je ne veux pas le quitter. Vous pouvez comprendre ça, vous qui êtes toujours ensemble, non ?
Phénix haussa les épaules, les sourcils froncés. Silver secoua la tête, l’air buté. Elle les regarda tendrement et hocha la tête
- Si, j’en suis sure.
Phénix retira brusquement la main de son amie et recula de quelques pas. Une larme brillait au coin de son œil. Elle le prenait mal, vraiment très mal. Comme une trahison de ceux qu’elle considérait, après son frère, comme des âmes sœurs. Elle se détourna et partit en courant, sans un mot de plus. Silver lança un dernier regard furieux au couple avant de la rejoindre. Le sourire de Chayla s’évanouit, elle passa la main sur ses yeux pour en chasser les larmes.

- Je ne pensais pas qu’ils le prendraient si mal que ça, dit elle, la voix cassée par le chagrin.
Tyelo la prit dans ses bras et embrassa ses cheveux.
- Ils finiront par comprendre, j’en suis certain. Et alors on pourra tous rire de cette histoire dans quelques années.
La jeune femme leva la tête vers lui et plongea son regard dans le sien. Par la fondatrice, qu’est ce qu’elle pouvait l’aimer cet homme ! Elle aurait tout fait pour lui, et c’était bien pour cette raison qu’elle quittait ses parents, ses amis, pour le suivre.




Nolyu était assise à la table de la cuisine, un bout de parchemin posé devant elle. Il semblait très ancien, troué d’un peu partout et portait des traces de brûlures à plusieurs endroits, comme si on avait tenté de s’en débarrasser. L’index de la vieille femme se posa sur un des quatre coins racornis pour empêcher le papier de se replier sur lui-même. L’encre était craquelée à force des ans, et les mots avaient tendance à se désagréger si on ne faisait pas assez attention. Elle releva la tête et se frotta les yeux, usés à force d’essayer de déchiffrer les mots. C’est là qu’elle perçut un bruit étouffé, qui venait de la chambre des jumeaux. Persuadée d’être seule pourtant dans la maison, Luna étant partie à la fête et les enfants avec leurs amis, elle crut d’abord à une intrusion et saisit son bâton à ses pieds, prête à s’en servir. Elle se leva et avança tout doucement en direction du bruit. Au fur et à mesure qu’elle se rapprochait, elle perçut la nature même de ce bruit : des sanglots. Elle s’arrêta devant la porte, hésitante. Ses doigts se desserrèrent sur le bâton, elle posa sa main sur la poignée et l’actionna…

La pièce était plongée dans l’obscurité. Les volets de bois couvraient les fenêtres, ne laissant filtrer aucune lumière. Les couvertures des deux lits jumeaux, perpendiculaires à la porte, avaient disparu. Contre le mur, en face, deux formes ramassées sur elle-même faisaient face à Nolyu. Elle soupira, puis jeta son bâton sur les jumeaux camouflés sous leurs couvertures. Le cri d’indignation qui s’ensuivit fit sourire la gouvernante.

- Mais ça va pas non ?!
Silver se débarrassa de sa « protection », saisit le bâton et le lança en direction de Nolyu. Celle-ci l’évita facilement, le reprit et pointa les jumeaux du doigt.

- Si je l’ai fait, mon cher Silver, c’est parce que tu es faible ! Si tu t’étais un peu entraîné, tu aurais senti que j’allais t’attaquer et tu aurais paré l’attaque !
La tête de Phénix sortit de la deuxième couverture, l’air un peu déboussolé. Ses yeux étaient un peu rouges, mais déjà elle semblait se ressaisir. Quant à Silver, on pouvait dire qu’il avait carrément oublié son chagrin. Il se mit en garde, sautillant sur place deux ou trois fois, puis fit signe à Nolyu de s’approcher, un sourire moqueur aux lèvres.

- Tu vas voir si je suis faible, vieille chouette ! Allez, relance ton attaque sournoise ! Je la bloquerais d’une seule main, et encore !
Nolyu leva les yeux au ciel et soupira. Mais en réalité elle était contente de voir que son stratagème avait réussi à redonner la pêche aux jumeaux. Elle reposa le bout de son bâton sur le parquet.

- Une autre fois, gamin. Vous allez d’abord m’expliquer ce que vous faites ici alors que c’est la fête partout
- Et toi, qu’est ce que tu fais là ? riposta Phénix en se plaçant aux côtés de son frère.
- C’est moi qui ai posé la question la première, alors c’est à vous de répondre en premier. Qu’est ce qu’il se passe ?
Silver laissa ses bras retomber le long de son corps, tête baissée. Phénix relata ce qu’ils venaient d’apprendre, à savoir le départ de Chayla et Tyelo pour Lazeurè. Nolyu l’écouta gravement, hochant la tête de temps en temps. Phénix se tût, les poings serrés pour s’empêcher de trembler.

- Je vois… Et ça vous blesse parce qu’ils ne vous l’ont pas dit avant, c’est ça ?
Demanda la gouvernante. Les jumeaux acquiescèrent. Les yeux rivés vers le sol, ils ne virent pas le petit geste qu’esquissa la vieille dame. « Le Trésor des Larmes P3sn ». Quelque chose siffla à leur oreille, puis ils entendirent un ‘’tchac ‘’. Phénix regarda derrière elle. Une flèche était plantée dans le volet en bois.

- Mais tu as essayé de nous tuer ?!
S’exclama l’adolescente, furieuse. Elle commença à tracer un signe, quand Silver l’arrêta de la main. Un sourire triste s’afficha sur les lèvres de Nolyu.
- Vous ne vous sentez pas un petit peu égoïste ? Après tout, vous devriez vous réjouir de cette nouvelle ! Ils vont se marier ! Tyelo a un travail !
- Et le fait qu’ils nous le disent la veille, tu trouves ça normal ?! Hurla Phénix, perdant tout contrôle d’elle-même.

Ses larmes se remirent à couler sur ses joues, de rage et de frustration. Elle tapa violemment du pied, trouant le plancher en même temps. La paume de sa main gauche se mit à briller. Nolyu fronça les sourcils en remarquant ce phénomène pour le moins étrange. Elle regarda Silver, qui n’avait pas remarqué les filaments noirs qui s’enroulaient autour de son bras droit. Le garçon prit la parole à son tour, d’une voix calme mais où résonnait une pointe de tristesse.

- Tu ne peux pas comprendre à quel point ça nous fait mal. On est sensé être amis depuis l’enfance. La moindre des choses aurait été de nous prévenir un peu avant. On se serait fâché, y aurait eu crise puis on se serait tous réconcilié, c’est dans l’ordre des choses. Le jour du grand départ on les aurait accompagné un bout de chemin, puis on se serait quitté en jurant de se revoir une fois par mois. Voila comment ça aurait du se passer.
Phénix le prit par le bras et l’entraîna à sa suite.
- Viens, on s’en va.
Ils passèrent devant Nolyu, qui ne fit pas un geste pour les arrêter.

Tyelo et Chayla s’en allèrent le lendemain. Tout le village était là pour leur dire au revoir, sauf deux personnes : une jeune fille aux cheveux rouge et or, et un garçon à la chevelure argenté. Ils observaient le départ du haut d’un arbre, à l’extérieur du village, un tigre et un loup allongés sous le feuillage.
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MessageSujet: Re: Le Trésor des Larmes   Le Trésor des Larmes Icon_minitimeVen 11 Mai - 15:20

Début d'une nouvelle ère, l'ère des Larmes

Deux mois plus tard, au village de Takero, la vie avait repris son cours normal. Le 6 Fondasu, les jumeaux avaient fêté leur 17ème anniversaire, ainsi que Sieg le loup et Tosha le tigre. Quelques jours plus tard, Phénix était diplômée « Magicienne des Signes », meilleure de sa promotion, et Silver gagnait son premier tournoi national d’arts martiaux, toutes catégories confondues.
Sur Ayasu, chaque habitant se spécialisait dès ses 7 ans dans un art offensif ou défensif, pour protéger son pays au cas improbable ou le bouclier se briserait. 95% de la population choisissait le combat, à main nue ou armée, car dépourvue d’un certain talent magique. Les 5% restant étaient alors entraînés à la magie : à la sorcellerie qui préférait les potions ; magie blanche, rouge ou verte, ou encore la magie des formules ; nécromancie et magie noire, deux arts peu choisis en réalité ; et enfin la magie des signes et de l’imagination. Elle aurait été inventée par l’un des créateurs, Ken, pour la Fondatrice, qui selon la légende n’avait pas trop la mémoire des noms. Elle se composait de 19 signes simples, chacun ayant une signification générale. Par exemple, le signe Le Trésor des Larmes P3sn était le signe lié aux projectiles. Après, il fallait créer des associations de signes pour obtenir un résultat spécifique, comme Le Trésor des Larmes Q2in Le Trésor des Larmes P3sn, qui augmentaient la précision du jet de 85%. Suivant l’expérience, la sagesse et la puissance du mage, il pouvait faire des associations de quatre ou cinq signes, du moins pour les plus doués. A chaque être vivant correspondait un signe unique, symbole de sa vie, de sa force spirituelle. Il arrivait parfois que ce signe soit dévoilé à son propriétaire, mais les conséquences pouvaient être terrible pour celui qui ne s’y serait pas préparé. Et à quiconque trouverait le signe d’un de ses ennemis, et qui chercherait à s’en servir, il détruirait forcément l’esprit de cette personne. L’apprenti magicien devait tracer ses signes sur papier, puis le déchirer pour que l’effet s’active. Au fur et à mesure des études, il apprenait finalement à se passer de supports matériels et à pouvoir exécuter le sort juste en faisant le geste dans l’air. A ce stade, il était déclaré « magicien des Signes ». Bien sûr, on n’était pas sensé parvenir à un tel niveau à 17 ans, mais plutôt à 24 ans. Mais Phénix n’était vraiment pas quelqu’un de normal.
Dès leur plus jeune âge, les jumeaux avaient montré des dispositions étonnantes pour la magie, autant Silver que Phénix. Dans un premier temps ils s’étaient entraînés avec Nolyu, magicienne des Signes et de l’Imagination, ainsi qu’avec Luna, magicienne blanche. Mais le garçon trouvait cette matière barbante et inintéressante. Comme tous les jeunes de son âge, il préférait de loin l’action et s’inscrivit auprès du maître d’armes, Hersul. Celui-ci reconnut en lui les aptitudes d’un vrai combattant, et fut particulièrement intéressé par la coopération entre Sieg et Silver dans des situations périlleuses. De même, Phénix et son tigre avaient toujours l’habitude d’agir en osmose, ce qui rendait les enfants très dangereux lors d’une bataille. Hersul entraîna donc les jumeaux au combat à mains nues et à l’épée, renforçant le lien mental entre les enfants, ce qui leur permettait de se battre en parfaite symbiose entre eux mais aussi avec leurs familiers. Mais ce qui devint un atout majeur se révéla également leur point faible. Si l’un des deux humains était touché, l’autre ressentait également la douleur. Si l’un des deux venait à mourir, l’autre n’y survivrait pas. Enfin, sur Ayasu, en paix depuis 1298 ans, les combats mortels étaient plutôt rares, même inexistants.
Le 3 Fondasu, le lendemain du départ de Chayla et Tyelo pour Lazeurè, Hersul était venu chez Luna pour lui parler d’un « petit » tournoi qui se déroulait au sud de la plaine de Syrsha. Le maître d’arme, un grand gaillard aux cheveux grisonnants à la moustache bien fourni, avait déclaré que ce serait un excellent moyen de vérifier les progrès accomplis par le jeune homme.
- Je ne sais pas trop, avait hésité Luna. Il est peut être un peu jeune encore, non ?
- Un peu jeune ?! Il va avoir 17 ans dans trois jours, c’est plus un gamin.
- Mais…
- J’y participerais.
Silver venait d’entrer dans la cuisine, une serviette sur ses épaules nus, les cheveux encore dégoulinants. Il avait brièvement serré la main de son maître, puis avait écouté ses explications attentivement. Il s’agissait d’un tournoi national de Laot-Ko, l’art martial le plus populaire d’Ayasu. Le combat était basé sur l’agilité et la rapidité plus que sur la force brute. Le but était de projeter son adversaire sur le dos deux fois pour remporter la manche. Un combat se déroulait en trois manches. Le coup préféré de Silver était de frapper son adversaire au thorax du plat de sa main : outre le fait de le projeter dans les airs, il en avait le souffle coupé et n’arrivait souvent pas à se rétablir. Il excellait dans l’art des manchettes et les enchaînements pieds mains. Le tournoi eu lieu au mois de Sashu, et toute la petite famille se déplaça pour l’occasion jusqu’au village à l’est de la plaine de Syrsha. Tandis que Nolyu et Luna manquaient d’hurler de peur à chaque fois que Silver recevait un coup, Phénix et les deux fauves passaient son temps à lui crier – ou rugir – des encouragements et des menaces s’il venait à perdre. Finalement il accéda à la finale après une défaite et douze victoires. Il remporta son dernier combat avec deux manches à une, perdant la première et gagnant les deux suivantes. Son adversaire, un jeune demi elfe aux longs cheveux bruns et aux yeux verts, reconnut qu’il n’avait eu aucune chance.
Quelques jours plus tard, c’était à Phénix de briller à son examen. Un seul diplôme était décerné tous les trois ans, conférant le statut de « magicien ». Elle reçut également un pendentif en forme d’étoile séparé en deux parties pour lui permettre de réguler ses pouvoirs le jour où ceux-ci deviendraient trop importants. Elle confia la seconde moitié à son frère.

Enfin, on était au début du mois de Nokoutu, et les jumeaux n’avaient pas reparlé une seule fois de leurs deux amis partis à Lazeurè. Mais en cette matinée du 1er Nokoutu, alors qu’ils erraient comme des âmes en peine dans la maison, Tosha et Sieg sur leurs talons, Luna vint les trouver dans leur chambre. Silver était accoudé à la fenêtre, le regard perdu dans le vague. Phénix était assise sur son lit, et tenait dans ses mains une vieille peluche en forme de licorne, cadeau de Chayla lorsqu’elles étaient encore en âge de jouer aux poupées. Tosha était allongé le long du mur, aux pieds de Silver, et Sieg arpentait la pièce à pas lents. Luna se planta devant sa fille, mains posées sur les hanches, une expression sévère sur le visage.
- Bon maintenant, ça suffit ! Préparez quelques affaires, les deux chevaux d’Hersul sont dehors et piaffent d’impatience. Si vous partez d’ici une heure, vous y serez dans… disons deux jours, une journée et demi même !
Phénix releva la tête, sourcils froncés. Silver avait tourné la tête vers elles et regardait sa mère sans comprendre non plus où elle voulait en venir.
- Mais de quoi tu parles ?
- Par la Fondatrice, je vous croyais plus malin que ça ! Vous partez pour Lazeurè immédiatement ! J’en ai assez de voir des zombies se promener dans ma maison, rendez moi mes enfants ! s’exclama la femme en secouant la tête.
Un sourire effleura ses lèvres, elle perdit son air sévère pour redevenir la maman attendrie devant ses grands enfants. Phénix avait reposé la peluche sur son oreiller et s’était levée, les bras ballants. Silver passa une main dans ses cheveux en soupirant, les yeux fermés.
- Je crois qu’on n’a pas le choix…
- Non vous ne l’avez pas, trancha sa mère.
Elle repartit dans la cuisine, laissant les jumeaux à leurs préparatifs, et y retrouva Nolyu. La vieille femme sirotait une tasse de thé, assise devant le parchemin mystérieux. Elle sourit quand elle vit Luna entrer. Celle-ci se servit également une tasse et prit une chaise.
- C’est épuisant de jouer les mères autoritaires, se plaint elle.
- Mais c’est ce qu’il fallait faire, répliqua Nolyu. Autant pour eux que pour Tyelo et Chayla, qui doivent déprimer là bas.
Luna acquiesça en silence. Elle porta sa tasse à ses lèvres et but le liquide brûlant, esquissant une grimace.
- Pouah ! Il est bien amer, non ?
- Ah bon ? Je ne trouve pas pourtant, s’étonna son amie en buvant une gorgée
- C’est parce que tu es bien trop aigri, ma pauvre, railla Silver qui venait d’entrer, un sac en toile dans la main.
La gouvernante grommela quelques mots, dont « impertinence de la jeunesse » et « irrespect », mais le garçon ne l’écoutait plus. Il embrassa sa mère, tira la langue à Nolyu et sortit. Phénix salua les deux femmes et le suivit.
- On sera de retour dans cinq six jours. Prenez soin de vous.
Le tigre et le loup les accompagnèrent jusqu’au pas de la porte, une lueur de regret au fond de leurs yeux. Phénix posa la main sur la tête de son tigre et lui sourit.
- Fais pas cette tête. Tu ne pourrais pas suivre le rythme du voyage.
L’animal grogna, signe de sa désapprobation. Phénix déposa un baiser sur son museau, puis rejoignit sa monture, un superbe étalon à la robe noire. Silver montait le cheval gris, et était déjà prêt. Il fit un dernier signe de la main à Nolyu et Luna, venues assister au départ, puis talonna sa monture qui partit au galop.

Une fois sortie de la plaine de Syrsha, une route qui avait été construite surtout pour les chariots marchands menait jusqu’à Lazeurè. Phénix et Silver l’empruntèrent et ne s’accordèrent que quatre pauses durant leur voyage, pour les repas et pour laisser les chevaux se reposer. Mais ils ne restaient pas inactifs, s’entraînant au Laot-Ko et à la magie. D’un côté, Silver battait facilement sa sœur grâce à son coup spécial à chaque fois, de l’autre il se prenait une raclée en combat magique. Il lui fallait encore un papier et un crayon pour activer l’effet magique, alors que Phénix se contentait d’un signe de la main.
Ils étaient partis le premier Nokoutu dans la matinée et parvinrent à Lazeurè sans avoir croisé personne le lendemain en début d’après midi, fatigués mais heureux d’être enfin arrivés.
La ville de Lazeurè était une des plus belles de la région. Elle avait été construite en cercle, les bâtiments les plus à l’extérieur de la ville correspondant aux raffineries de joyaux. Plus on avançait vers le centre, plus on rencontrait de belles maisons en pierre jouxtant des magasins de bijoux, des ateliers ou l’on taillait les pierres précieuses avec la plus grande dextérité. Sur le fronton de chaque bâtisse était incrusté un joyau, le tout premier trouvé par ses occupants. Pour les plus chanceux, il s’agissait d’un diamant, d’un rubis ou d’une magnifique pierre verte bleue, la plus rare en ce monde. Les rues étaient pavées de pierres blanches, extraites des montagnes Scalandres, tout au nord du continent. Au centre même de la ville, sur la grande place, les nains avaient apporté leur contribution à la beauté de l’endroit. Une superbe fontaine de trois mètres de haut et six de large, taillée dans du jade représentait une femme aux longs cheveux, un nain avec une hache dans la main et un elfe qui semblait avoir tiré une flèche vers les étoiles. Tous trois côte à côte, un coffre rempli de pierres précieuses devant eux. Une grande œuvre, symbole de l’amitié qui régnait entre les peuples dans ce pays.
La ville était entourée d’un grand mur d’enceinte, qui ne laissait rien voir de l’extérieur. Il possédait quatre entrées .Lorsque vous veniez de la plaine de Syrsha, l’entrée la plus proche était celle au Sud, l’ « entrée aux rubis ». Deux gardes étaient habituellement postés devant la grande porte, vérifiant l’identité des voyageurs. Mais aujourd’hui, la porte était entrouverte, et les gardes étaient absents. Phénix descendit de cheval, imitée par son frère.
- C’est normal, ça ?Demanda t elle, inquiète.
Silver secoua la tête. Il n’était venu que deux fois à Lazeurè, une fois avec sa mère et la deuxième fois parce qu’il voulait offrir un bijou à sa sœur, un très beau bracelet en argent qu’elle portait en permanence autour du poignet gauche. Il se souvenait d’un lieu magnifique, mais où les règles étaient quand même strictes. Les habitants étaient perfectionnistes, surtout les nains en fait. Mais leurs bijoux étaient les plus beaux du monde.
Les jumeaux s’approchèrent des deux battants en métal et les poussèrent de toutes leurs forces. Le grincement des gonds déchira le silence anormal qui régnait. Phénix se rapprocha de Silver, les yeux agrandis par l’horreur.
- Nom de…
Murmura le jeune homme, choqué. Lazeurè la magnifique, avec ses joyaux incrustés et ses rues pavées de blanc, Lazeurè la plus grande ville marchande du centre d’Ayasu, la ville des hommes et des nains… Lazeurè était la proie des flammes.

Partout des corps, partout des débris fumants. Silver et Phénix évoluaient dans un milieu sinistré, les deux seules âmes en Enfer. Sur les pavés blancs, les corps sans vie des enfants, humains et nains, dont le sang noircissait la rue. Le corps d’une femme empalé sur la barrière d’une petite maisonnette en roche, les yeux toujours ouverts, fixés vers le ciel, fit défaillir Phénix, qui serait tombée si Silver ne l’avait pas saisi par la taille. Mais même le garçon était blême et avait du mal à se retenir de vomir. Ils finirent par s’arrêter à l’angle d’une rue, juste devant un atelier. Phénix pleurait sans pouvoir s’en empêcher, Silver se mordillait la lèvre inférieure pour ne pas céder lui aussi.
- Qu’est ce qui s’est passé ? Une attaque ? Ca ne peut pas être un accident…
Dit il la voix tremblante, les yeux fixés sur le corps d’un homme transpercé de part en part.
Mais une attaque dans Ayasu… Cela faisait plus d’un millénaire que ça n’était pas arrivé. Et il aurait d’abord fallu que ceux – sans doute nombreux – qui avaient commis ces atrocités aient réussi à forcer le Bouclier. Et ça, c’était impossible. Une révolte interne ? Mais pour quelle raison ? Et pourquoi ils étaient les premiers à découvrir le massacre ? Que faisaient les deux conseils ? Autant de questions qui ne trouvaient pas de réponses.
Phénix se redressa brutalement, l’air épouvanté. Ses larmes avaient cessé de couler tant elle semblait choquée tout à coup. Silver lui tapota doucement l’épaule.
- Ca va ?
Elle secoua la tête. Son corps était parcouru par de violents frissons, ce qui fit peur à son frère. Elle tourna la tête vers lui, et il comprit avant même qu’elle ne dise quoi que ce soit. Il pâlit brusquement.
- Chayla et Tyelo…
Il fit volte face et se mit à courir, talonné par sa sœur. Ils parcoururent toute la ville en hurlant le nom de leurs deux amis, découvrant atrocité sur atrocité. A chaque corps brûlé ils craignaient reconnaître le jeune homme ou sa compagne. A chaque fois c’était un soulagement de peu de temps en réalisant que ce n’était pas eux. Au bout d’une heure, ils se retrouvèrent au centre de la ville, totalement hors d’haleine. La grande place était anormalement vide : pas un cadavre, pas un morceau de bois brûlant, pas une ruine… Le plus étonnant était la fontaine, encore intacte, étincelant sous la lumière que projetaient les flammes non loin. Silver et Phénix s’approchèrent de l’œuvre à pas lents, comme intimidés par sa présence.
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MessageSujet: Re: Le Trésor des Larmes   Le Trésor des Larmes Icon_minitimeVen 11 Mai - 15:21

C’est Phénix qui se rendit compte la première que quelque chose clochait. Ils s’étaient crus seuls, mais pourtant lui parvenait un bruit étouffé à l’oreille. Elle fit signe à Silver, qui hocha la tête, le visage tendu. Lui aussi avait entendu. Il posa un doigt sur ses lèvres, puis lui désigna la fontaine. Le bruit venait de derrière.
D’un accord commun, toujours sans un mot mais usant de ce lien qui relie tous jumeaux, Phénix contourna la fontaine par la gauche et Silver par la droite. Le regard fixé sur une forme affalée devant eux, ils s’avancèrent en silence. Puis stoppèrent en comprenant que le bruit qu’ils avaient entendu, ce n’était autre que les sanglots de la femme allongée là. La jeune fille aux cheveux or et feu voulut s’avancer pour lui prêter secours, quand une voix retentit, sèche et autoritaire.
- Ne faites plus un seul pas, sinon vous êtes morts.
Alors ce fut comme si une chape de plomb venait de lui tomber sur les épaules. La jeune fille ne pouvait plus faire un pas, ni en avant ni en arrière. Sa respiration s’accéléra, et elle commença bientôt à suffoquer. Elle tourna la tête vers son frère, et vit qu’il était dans la même situation qu’elle. Sa main se porta à sa gorge, et elle toussa. Une silhouette noire surgit devant eux, masquant la femme au sol. La tête baissée, des cheveux bruns en bataille projetant une ombre sur son visage, ce qui les empêchait d’en distinguer les traits. Mais elle vit ce sourire sur ses lèvres minces et frissonna. Quel genre de monstre se tenait dressé devant eux ?
L’inconnu leva le bras et traça un étrange signe dans les airs.
- Dizu, murmura t il.
Des fils noirs partirent de ses doigts et enveloppèrent la femme au sol. Son corps s’éleva dans les airs et vint se placer devant l’homme. Il attrapa la femme par les cheveux et tira un coup sec, révélant son visage aux jumeaux. Il redressa lui-même la tête, son sourire s’agrandit et révéla deux canines un peu plus longues que la moyenne.
- Ca alors… regarde qui voila, Chayla… Des jumeaux…
Silver en eut le souffle coupé. La femme qui pleurait, c’était Chayla, leur amie d’enfance. Le jeune homme se força à avancer, malgré la pression qui le clouait quasiment au sol. Il ne pouvait détacher ses yeux du visage ensanglanté de son amie, qui avait l’air évanoui mais dont les larmes coulaient toujours. Il dût s’arrêter à quelques pas d’eux, complètement épuisé par l’effort.
- Toi… Qu’est ce que tu as osé faire à Chayla ? grogna t il en fixant l’inconnu pour la première fois… Avant de se rendre compte que ce n’était pas un inconnu.
- Ty… Tyelo ??
Phénix réussit à rejoindre son frère et l’attrapa par le bras. Ses ongles s’enfoncèrent dans la chair du jeune homme sans que les deux s’en rendent véritablement compte.
Tyelo les dévisageait étrangement, une lueur folle dansant au fond de ses yeux vert sombre. Sa langue passa sur ses lèvres.
- Ma chère Phénix, mon cher Silver, bienvenue ! Alors, que pensez vous de ma nouvelle ville ? Jolie non ?
Il lâcha Chayla, qui flottait toujours à cause de son sort et avança de quelques pas, les bras tendus, un sourire gourmand aux lèvres.
- Et bien alors, on ne salut pas son vieil ami ?
Phénix réagit vivement. Elle traça un signe de la main droite et activa son effet.
- Immobilisation !
Des lianes sortirent de sous terre et emprisonnèrent les jambes de Tyelo. Silver passa derrière lui et rejoignit Chayla en courant. Les filaments noirs s’estompèrent à son contact, et le corps de la jeune femme lui tomba dans les bras. Il l’allongea sur le sol et lui tapota les joues.
Pendant ce temps, Phénix retenait toujours Tyelo, qui ne semblait même pas surpris. Il lui fit même un clin d’œil.
- Magie des signes, excellent niveau ! Tu as toujours été très douée, c’est vrai. Pourtant, tu n’es pas encore capable de maîtriser les « mots » non ?
La jeune femme fronça les sourcils. Son bras, tendu vers Tyelo pour maintenir le sort actif, commençait à fatiguer. Elle le soutint avec sa deuxième main.
- Qui es tu ?
Tyelo cilla.
- Enfin, tu ne me reconnais pas ? C’est moi, Tyelo.
Ce fut au tour de Phénix de ciller. Elle ne voulait pas y croire, et pourtant…
Chayla finit par revenir à elle. Elle gémit, tenta de se redresser, puis reconnut Silver au dessus d’elle. Elle le saisit par les bras, complètement réveillée et affolée.
- Silver ! C’est Tyelo ! Il… Il est revenu de la mine avec… Et il a tué tout le monde… Par la Fondatrice, c’est devenu un monstre !
- Calme toi Chayla, je… on est déjà au courant, lui dit Silver en posant ses mains sur ses épaule.
- On ?
La jeune femme regarda ce qui se passait dans le dos de son ami. Elle vit Phénix face à Tyelo, le bras parcouru de spasmes. Elle se releva, malgré les efforts de Silver pour tenter de la faire se tenir tranquille. Ses larmes se remirent à couler alors qu’elle portait ses mains à ses lèvres.
- Tyelo…
Celui-ci l’entendit. Il tourna la tête vers eux, et les dévisagea un long moment, le visage fermé et impénétrable. Puis, sans prévenir, il éclata de rire. Un rire railleur, mais dépourvu de vie, qui glaça le sang aux trois adolescents. Et c’est là que le bras de Phénix retomba, libérant ainsi son ami devenu fou. Silver saisit Chayla par le bras et la força à reculer derrière lui.
- Reste là ! lui ordonna-t-il avant de courir vers Tyelo. Phénix !
Sa sœur releva la tête un peu tard. Déjà Tyelo était devant elle, un dangereux sourire flottant sur ses lèvres. Il traça un signe sur sa poitrine et murmura un étrange mot. La jeune fille ressentit une intense douleur, comme si un étau venait de lui comprimer soudainement le cœur. Elle tomba à terre, agitée de convulsions. Tyelo fit volte face au moment où Silver se jetait sur lui, la paume de sa main dirigée contre son torse. Il saisit cette main, se retourna et tendit sa jambe en barrage contre les tibias du garçon aux cheveux argentés. Emporté par son propre élan, celui-ci fit un vol plané avant d’atterrir dans le bassin de la fontaine. Il se releva presque immédiatement, complètement trempé et furieux contre lui-même de s’être fait avoir bêtement. Il évalua d’un coup d’œil la situation. A quelques pas devant lui, Phénix toujours au sol mais qui tremblait moins. A la lisière de la grande place circulaire, Chayla, les mains jointes, qui ne semblait pas se préoccuper de l’incendie tout autour. Et enfin… Où était passé Tyelo ?
- Tu me cherches ?
Silver se raidit. Mais quel idiot il était ! Il aurait pourtant du sentir sa présence à ce moment, juste dans son dos…

Les yeux rivés vers le ciel assombri, son cœur cognant encore douloureusement dans sa poitrine, Phénix se demandait comment ça avait pu arriver. Tyelo n’avait jamais montré de talent particulier pour la magie, et voila qu’il usait de sorts mêlant les signes aux mots… Du jamais vu ! C’est vrai que les autres disciplines magiques demandaient des incantations, mais n’utilisaient pas les signes dans ces cas là. Et puis il était devenu bien plus fort au combat. Lui qui ne tenait pas deux minutes face à Silver auparavant… A ce moment précis, elle entendait le bruit sourd des coups échangés entre les deux garçons et craignait vraiment qu’il n’arrive quelque chose aux deux. Cette crainte, plus forte que la douleur, la fit se relever. Mais elle dut reposer un genou à terre, saisie de tournis. Une main se posa sur son épaule, douce et chaude. Elle redressa la tête et découvrit Chayla devant elle, l’air inquiète. Phénix sourit courageusement.
- Chayla ! Je suis contente de te revoir !
Le souvenir de leur dispute, dernière fois où ils s’étaient parlés, lui revint en mémoire. Elle serra le poing.
- Je suis… désolée pour la dernière fois. Si on ne s’était pas fâché.
Les bras de son amie l’entourèrent. D’abord surprise, Phénix s’abandonna à son étreinte rassurante.
- Ce n’est rien, je comprends, murmura Chayla à son oreille. Moi aussi je suis désolée.
Un cri les arracha à ces instants de répit. Elles se relevèrent juste à temps pour voir Silver s’écraser contre le bord de la fontaine. Son corps s’affaissa, du sang coulant de sa tempe et de ses lèvres. Tyelo s’avançait désormais vers les deux femmes, qui étaient paralysées par la peur. Enfin, il fut devant elle, les dominant de toute sa taille. Il se pencha vers Phénix et lui sourit, comme un chat face à une souris.
- Et bien et bien… On ne va pas aider son petit frère ?
- Attends Tyelo ! s’exclama Chayla en lui touchant l’avant bras gauche. Pourquoi tu fais ça ? Pourq…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que déjà elle était projetée en arrière d’un coup de poing au plexus. Tyelo lui lança un regard plein de mépris.
- Qui t’a autorisé à me toucher ? Demanda t il d’une voix glaciale. Je parle à Phénix pour l’instant. Tu ne m’intéresses en rien.
Phénix ne pouvait plus faire un geste. C’était comme si un épais brouillard s’était infiltré dans son esprit, occultant toutes ses facultés de réflexion. Pourtant elle savait qu’elle devait faire quelque chose – fuir, protéger ses amis, se battre. D’un autre côté, il s’agissait de Tyelo. Son ami depuis l’enfance. Celui là même qui la saisit par les cheveux et la força à le regarder dans les yeux. Des yeux mornes et vides, sans la moindre étincelle d’humanité dedans. Les yeux d’un possédé. Cette vérité frappa Phénix au moment même ou Tyelo parla à nouveau, mais d’une voix plus grave, plus profonde, la voix de celui qui contrôlait le corps de son ami.
- Des jumeaux, une fille et un garçon. Quelle étrange coïncidence. Et vous leur ressemblez tellement.
Phénix fronça les sourcils. La peur l’avait quitté pour la colère envers cet inconnu qui détruisait ses amis.
- Qui êtes vous ? Demanda-t-elle, la voix pleine de hargne. De quoi parlez vous ?
Une pointe d’ironie perça dans la réponse de l’homme.
- Oui, exactement pareil. On croirait à des jumeaux de jumeaux !
Même si elle était assez décontenancée, Phénix n’en laissa rien paraître. Elle posa sa main sur celle de Tyelo qui retenait ses cheveux et força chacun de ses doigts à se desserrer. L’homme ne fit pas un geste pour l’en empêcher. Une fois libérée de son emprise, elle recula de deux pas et traça un nouveau signe magique. Une aura brillante l’entoura.
- Qui que vous soyez, je ne vous laisserai jamais faire de mal à mes amis ! s’écria-t-elle en tendant la main vers Tyelo pour activer le sort.
Son sourire moqueur refit son apparition sur ses lèvres. Il leva la main à son tour et fit apparaître une longue épée, à la lame couleur du sang.
- Même si tu n’es pas aussi puissante que ne le fut celle que vous vénérez tous tant, je ne peux prendre le risque de te laisser vivre. Crève !
L’homme laissa de nouveau place à un Tyelo dépourvu de raison. Phénix hésita à jeter son sort en remarquant ce changement soudain. Son bras retomba le long de son corps
- Trop lente !
Tyelo se jeta sur elle, la lame pointée vers son cœur. La jeune fille n’avait plus le courage de bouger. Elle ferma les yeux et attendit le choc, le corps tendu à l’extrême. Elle entendit à peine son nom hurlé par son frère, qui venait de reprendre conscience. Durant une seconde, le temps sembla se figer tout autour d’elle. Puis reprit son cours.
Elle perçut le bruit du fer qui s’enfonce dans la chair, elle sentit l’odeur du sang, âpre et cuivré. Pourtant elle ne ressentait aucune douleur. Elle se risqua enfin à ouvrir les yeux, se demandant si elle n’avait pas péri sur le coup finalement. Elle se figea, les yeux agrandis par l’horreur. Un hurlement monta du plus profond de son être, piètre témoin de la douleur qui la submergeait.
- CHAYLAAAAAAA !!!

Silver avait mis un peu de temps à se remettre des coups de Tyelo. Quand il avait enfin pu rouvrir les yeux, aveuglé par la lumière des flammes, c’était pour découvrir Tyelo, une épée à la main, pointé vers sa sœur. Il avait hurlé son nom. Prenant appui sur le rebord de la fontaine pour se hisser, il avait réussi à se relever, mais savait qu’il allait arriver trop tard.
C’est alors que se produisit l’incroyable. Chayla, bien plus proche que Silver, avait réussi à se glisser entre l’homme qu’elle aimait et son amie. « Bloody rain », la pluie de sang. C’est ainsi que le phénomène de la plaine de Syrsha avait été nommé, usant d’une langue ancienne maîtrisée par les Créateurs. Silver n’arrivait plus à bouger, le corps parcouru de frissons d’horreur. Le monde dans lequel il avait vécu jusqu’à aujourd’hui semblait s’écrouler sous ses yeux.
Le corps de Chayla bascula en arrière. Phénix la rattrapa avant qu’elle ne touche le sol, les larmes roulant sur ses joues. Ses genoux se dérobèrent sous elle, elle glissa lentement à terre, serrant toujours contre elle son amie en sanglotant. Elle baissa la tête jusqu’à ce que son front touche celui de Chayla, glacé, sa main appuyant à l’endroit de la blessure pour en empêcher le sang de couler. Mais c’était déjà trop tard, un point vital avait été touché. Elle rendit son dernier soupir, un sourire aux lèvres, sans doute heureuse d’avoir pu sauver celle à qui elle tenait comme une sœur. Et Phénix qui ne voulait pas l’admettre, tentait toujours d’endiguer le sang de sa blessure.
- Non Chayla… Je t’en prie, ne meurs pas… Ne nous laisse pas… CHAYLA !!
Tyelo regarda l’arme qu’il tenait toujours en main, puis les deux femmes devant lui. Phénix, couverte du sang de Chayla, sa tête posée contre la sienne, pleurait toujours lorsqu’il leva à nouveau son épée.
- Pourquoi ? Gémit la jeune femme en levant brusquement les yeux vers lui. Pourquoi t’as fait ça Tyelo ?!
- Elle n’avait pas qu’à se placer entre toi et moi, répondit-il tranquillement. Ma cible, c’est toi et ton frère, pas un misérable insecte comme cette fille.
Phénix se releva, ses cheveux voletant dans son visage, les poings serrés.
- C’était pas un insecte ! C’était la femme que tu aimais ! Mon amie ! Comment tu as pu nous trahir ainsi !!
Tyelo haussa les épaules. Sans un mot de plus, il dirigea la lame vers le cœur de Phénix… Lorsque des filaments noirs s’enroulèrent autour de son bras, remontant jusqu’à la garde de son arme, l’immobilisant tout à fait.
- Qu… Quoi ?!
Il tourna la tête et vit Silver entouré d’un halo ténébreux. Les yeux du jeune garçon, dénué de tout sentiment, avaient viré au noir. Les fils partaient de tout son corps pour rejoindre Tyelo. Silver s’avança d’un pas, puis d’un autre… Les lèvres de Tyelo se tordirent en un rictus effrayant.
- Salaud… Qu’est ce que tu es en train de faire ? Tu veux me tuer, c’est ça ? Tu tuerais ton propre ami ?
- Tu n’es pas Tyelo, le coupa Phénix.
Elle irradiait d’une lumière d’une pureté incroyable. Ses larmes étincelaient sur ses joues, tels des diamants traversés par le soleil de midi. Le désespoir qui habitait son être était presque palpable, sa souffrance presque visible. Son regard croisa celui de son frère, qui acquiesça sans un mot. Elle ferma les yeux et traça deux signes à la suite. Silver l’imita.
- Activation du sort flèche de foudre, murmura t elle, la voix brisée.
Un éclair blanc et un éclair noir frappèrent Tyelo au même instant. Son cri d’agonie déchira le cœur des jumeaux. Les épaules de Silver s’affaissèrent, Phénix tomba à genoux, de nouveau submergée par les larmes.
- Pardonne-nous Tyelo…
Silver rejeta soudainement sa tête en arrière et hurla, hurla, jusqu'à ce que sa voix l’abandonne et qu’il ne lui reste juste assez de force pour rejoindre sa sœur et s’évanouir à ses côtés. Phénix regarda une dernière fois les corps de ses deux amis, puis les ruines qui furent autrefois une ville magnifique, Lazeurè aux Milles Joyaux. Puis tout devint nuit.
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