Ma quête, un emploi

Cette femme…j’ai voulu la tuer dès qu’elle m’a vue…qu’elle a posé son regard méprisant sur moi. Dans son petit tailleur étriqué d’un gris terne, avec ses petits yeux de fouine et son sourire tordu, condescendant…elle était détestable. Mon dossier trônait au beau milieu d’un bureau vide, au coté d’un stylo bic. Et je me tenais près de la porte à attendre qu’elle me donne l’autorisation de m’asseoir en face d’elle. Elle m’a détaillé, sans gêne, apparemment choqué par ma tenue, un ensemble rouge et noir, tout ce qu’il y a de plus simple, mais en couleur. Je hais la grisaille, je hais ce genre de personne et je vais finir par haïr ce pays…
« Mlle Lily… ?
Oui, c’est bien moi.
Veuillez vous asseoir, je vous prie. »
Je m’assis, obéissante, et pour moi commencèrent deux heures de torture, d’argumentation pour obtenir la place à laquelle je postulais. Un combat parmi d’autres, mais c’était mon combat. Et elle m’a balayé d’un revers de la main comme elle balaya une poussière de la couverture de ce maudit dossier…
« -Trop faible…pas assez d’expérience dans le milieu…
- Trois ans dans la société X…je pensais que cela était suffisant…et puis mes diplômes prouvent que je suis à la hauteur de cette tâche… »
Elle avait eu l’air offensée.
« Vous m’accuseriez de faire erreur dans mon recrutement ?Mademoiselle, ici le sentiment de supériorité ne vous mènera à rien. Ravalez votre superbe ma chère… »
Et tout était dit. Tout. Elle avait décidé de me refuser dès que j’avais passé la porte…seulement il lui fallait trouver une raison crédible pour ses supérieurs. Je la lui avait donnée sans le vouloir, en tentant de me défendre.
Dehors il pleuvait. Et j’étais au bord des larmes…six mois que j’allais d’entretien en entretien, depuis mon arrivée, et six mois que j’essuyais refus sur refus, toujours sur des critères qui échappaient à mon contrôle et qui n’avait pas de rapport avec mon C.V.
Mais je me refusais à flancher devant cette « chargée du recrutement » dans son tailleur minable et ses airs de grande dame. Je pris sur moi et me levais. Elle me regarda avec une surprise feinte et une satisfaction évidente. Je repris mon dossier sur le bureau et lui souri.
« - Nous nous reverrons…
- J’en doute mademoiselle, vous êtes refusée.
- Oh, je ne parlais pas de çà… »
J’ouvrais la porte, sorti et la claquais derrière moi.
Puisque les institutions légales me refusaient, j’allais chercher dans l’illégal.
Le soir même, alors que la nuit était tombée, j’attendais dans le parking l’arrivée de cette chère Madame X, chargée du recrutement. Elle ne me vit pas en passant la porte coulissante de la société et se dirigea vers son véhicule, une Rover vert sombre.
Elle s’installa et démarra. Je sorti de dessous un portique. Elle sorti du parking. Je m’éloignais d’elle et elle de moi. Sa voiture explosa, d’un coup, dégageant un immense nuage de fumée.
Je me nomme Li Ly-Jin Han, je suis d’origine française et chinoise, ingénieur en chimie dans mon pays d’adoption et aujourd’hui celui qui m’a vu naître vient de payer le tribu pour cette ségrégation dont je suis, comme bien d’autres, victime depuis mon retour. Et ce n’est que le début. J’ai aujourd’hui passé une autre entrevue en rapport avec mon CV, et cette société là m’a accepté…en temps qu’experte en explosif…